Ritournelle de la faim - Le Cl�zio Jean Marie Gustave
.: Ritournelle de la faim - Le Cl�zio Jean Marie Gustave :.Faisons comme si nous n�avions jamais entendu ce nom de famille, Le Cl�zio, jamais interrog� ces initiales pour un triple pr�nom qu�on peine � imaginer, JMG, comme si de Cl�zio nous ne connaissions qu�un village breton, Le Cl�zio, paroisse de Neulliac, Morbihan, son canal, ses �cluses, comme si nous ne savions pas qu�il y a quinze ans les lecteurs d�un magazine infinitif firent de Jean-Marie Gustave Le Cl�zio � le plus grand �crivain vivant de langue fran�aise �.
Faisons comme si, et laissons-nous conter cette Ritournelle de la faim, avec l�appr�hension qu�on a de lire accord�s deux mots que tout s�pare, le fredon r�p�t� d�un refrain l�ger et la tenaille mortelle, la morsure du manque, la douleur muette de crier famine.
L�histoire dit les premiers vingt ans d�une jeune fille, Ethel, 20 ans en 1945, � Paris d�soeuvr� et � Nice occup�e. Elle ne commence qu�apr�s trois pages o� l�auteur dit modestement son exp�rience de la faim et de la joie de l�apaiser, �loge du lait Carnation et du corned-beef. Et elle se termine quelques pages avant la fin du livre, pour laisser � l�auteur, le temps d�un chapitre, � Aujourd�hui �, le soin de dire le flou qui s�pare la m�moire de l�oubli, de dire qu�Ethel n�est pas sa m�re mais lui ressemble Le Cl�zio est n� en 1940, et Ethel ne sera m�re que cinq ans plus tard, et de finir apr�s un long silence par cette phrase orpheline : � J�ai �crit cette histoire en m�moire d�une jeune fille qui fut malgr� elle une h�ro�ne � 20 ans. � Faisons comme si nous ne savions pas que l��le Maurice, qui nimbe de son ombre tout le livre, n��tait pas pour peu dans la vie de l�auteur, que na�tre d�un p�re anglais et d�une jeune m�re fran�aise ne comptait pas pour lui, que Nice ne lui �tait rien, et lisons cette Ritournelle de la faim comme un roman de Modiano, le Paris de la guerre, les mauvaises affaires des adultes, les promesses non tenues, les caf�s d�une jeunesse �gar�e, l�errance et les silhouettes fondues dans la brume de l�oubli.
Ethel est une jeune fille de bonne famille, �lev�e par son grand oncle Soliman, vieux monsieur aimant. Soliman ach�te � l�Exposition universelle la maison mauve, la varangue qui repr�sente l��le Maurice, son �le. Il fait d�Ethel sa l�gataire universelle. Mais le vieil oncle meurt trop vite, le p�re d�Ethel s�octroie la tutelle de sa fille et entra�ne sa petite fortune dans une banqueroute annonc�e. Les parents, Alexandre et Justine, ne s�entendent pas, ils cohabitent boulevard du Montparnasse dans un appartement bourgeois o� Maude, une cantatrice sur le retour aux rides tir�es par une pince sous son chignon, leur rend des visites trop fr�quentes, aga�antes pour Justine qui semble savoir qu�elle fut la ma�tresse de son mari. Justine et Ethel sont des musiciennes accomplies, Alexandre est un oisif na�f et vaguement dandy au fort accent mauricien. Il vit en dehors des r�alit�s, recevant chaque dimanche une coquetterie d�escrocs flatteurs qui vivent aux d�pens de celui qui leur parle. En bons r�actionnaires, ils ne voient pas la guerre venir, les plus excit�s attendent un sauveur pr�nomm� Adolf. Seul Laurent, un jeune anglais timide et sarcastique, semble garder raison et partage avec Ethel une complicit� r�confortante. Ethel s�ab�me dans une amiti� exclusive avec X�nia, son double et son oppos�e, une jeune �migr�e russe volontaire et d�cid�e. Elle grandit en prenant conscience de la r�alit� des choses, de la l�chet� des adultes et de la fragilit� des situations acquises.
Le livre fait se croiser deux destins, l�un descendant, celui de la famille, de faillite en exode, de l�opulence � la faim, de la fanfaronnade � la d�ch�ance physique, et le sursaut d�une jeune fille que la lucidit� conduit � prendre en main sa vie, son deuil et son destin. Ces deux chemins se croisent, et l�on comprend que c�est � jamais.
Le corps du livre n�en parle pas, mais les fant�mes sont pr�sents, il ne dit pas qui est juif ni qui ne l�est pas, il ne dit pas que les rendez-vous d�Ethel et de X�nia se tiennent � l�ombre du v�lodrome d�Hiver, il ne dit pas Drancy, il ne dit pas Majdanek, ni Sobibor, ni Mathausen, mais, lorsque le r�cit est termin�, lorsque l�auteur retourne aujourd�hui sur les pas de ce qu�il a dit d�hier, pour y chercher les traces du v�lodrome d�Hiver, dresser les listes de gares qui conduisaient � celles des camps, lorsqu�il �crit � ma m�re � en lieu et place d�Ethel, on comprend qu�on ne s�est pas tromp� de livre, que cette belle lecture n��tait pas celle d�une bluette, mais la chair m�me de l�Histoire.
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